Texte et jeu: Yvan Richardet
Mise en scène: Thierry Romanens
Créé en février 2016 à L’ Échandole, Yverdon-les-Bains
Ci-dessous PDF du programme complet !
Le 2·21 est soutenu par:
du 9 au 14 janvier 2018
Dans le cadre de l'événement Singuliers Pluriel (5-21 janvier 2018).
Je suis parti trois mois en résidence d’écriture à Gênes pour démêler les mythes de la croissance économique. Monologue schizophrénique, le spectacle témoigne de mon émeute intérieure, entre stupeur face à l’urgence du réchauffement climatique et recherche consensuelle d’un éco-terrorisme à la vaudoise. Construit comme une conférence gesticulée, le spectacle explore avec humour le mythe de la grenouille ébouillantée, les fausses solutions technologiques et le vrai combat altermondialiste. Un récit de bouillonnement éclectique qui consomme moins qu’une bouilloire électrique. Une conférence poétique qui a soif de fin du monde.
Un discours décroissant aux gens bons.
Autour de L’ÉMEUTE de et par Yvan Richardet
La Décroissance expliquée à mon chat
Je travaille trois mois à Gênes, en résidence d’artiste, sur un spectacle solo sur la décroissance (c’est pour février 2017). Quand j’annonce ça, j’essuie souvent la question de c’est quoi la décroissance? et heureusement mon chat se la pose aussi (avec d’autres questions, comme ce que je fais VRAIMENT en tant que comédien, la marque de mes croquettes préférées et pourquoi je ne me lèche pas les couilles pour les laver). Je laisse mon chat jaune Lipton mener cette interview.
Pourquoi tu me fais t’interviewer? Je dormais.
Parce que j’aime le dialogue, chat. Et que si c’est toi qui poses les questions, les gens pourront suivre les réponses comme si c’était eux qui les posaient.
Je pose pas les mêmes questions que les humains. Je suis pas un humain.
Je sais, chat. Je sais. Allez, pose la première question.
Qu’est-ce que la décroissance?
C’est un mouvement de pensée né à la fin des années septante qui soutient que la croissance économique n’est pas souhaitable pour des raisons écologiques. C’est aussi le titre d’un journal français très intéressant d’écologie radicale; son équivalent veveysan "MOINS" est très bien aussi.
Mais quel rapport avec Gênes?
À la base, aucun rapport. J’avais surtout envie d’écrire un spectacle écologique, une réflexion sur le coût environnemental de la culture, du genre: combien coûte une représentation de Richard III dans un théâtre subventionné. Je me suis aperçu que c’était – primo – très compliqué à calculer, et – deuzio – assez anecdotique. En creusant mes recherches, je me suis rendu compte que la pensée décroissante était de toute manière liée au combat anticapitaliste. Or, en 2001, paf: il y a eu les émeutes anti-G8 à Gênes.
J’étais pas né.
En juillet 2001, l’Italie berlusconienne accueille le G8 à Gênes. C’est la dernière fois que les 8 pays les plus industrialisés se sont rencontrés dans le centre d’une grande ville – au sein de la société urbaine. Après les émeutes, les sommets sont devenus plus frileux, organisés dans des villes de moyenne importance ou des nids d’aigles hyper-sécurisés. Mon point de départ, c’était cette fuite des grands de ce monde hors du forum, hors de l’espace urbain.
Je comprends toujours pas très bien le lien entre les deux.
Je sais, moi non plus. Je cherche encore. Mais j’avais aussi un autre point de départ: Gênes est la ville natale de Christophe Colomb. Pour moi, c’est un peu l’inventeur de la mondialisation. C’est très inexact d’un point de vue historique, mais symboliquement, ça tient la route: Colomb était un visionnaire qui s’est agrippé à sa vision d’un nouveau monde et qui a remis en cause les paradigmes de l’époque. C’est émouvant de lire les passages de son journal où il explique qu’après quatre semaines de navigation, les marins déprimaient et s’en plaignaient à leur amiral. Quels arguments Colomb a-t-il trouvé pour les encourager à poursuivre l’aventure? Quand tu ne sais pas vraiment qu’il y a la terre ferme devant, tu dois quand même avoir une sacrée dose de confiance en soi. C’est à l’image de l’écologie radicale: le message de la décroissance peut paraître peu sexy à première vue, mais il faut suivre le cap confiance, en sachant qu’il y a un nouveau monde à inventer.
J’ai le dos qui démange. Gratte-moi.
Je vois le succès très encourageant du film Demain et les réactions enthousiastes qu’il suscite, qui dénoncent aussi la crise de l’écologie politique: on a vu un regain d’intérêt pour les Verts après Fukushima, mais sinon c’est mou du bide et complètement consensuel. En décembre 2015, il y a eu cette somptueuse COP21, ce sommet mondial autour du réchauffement climatique. Le seul « résultat » de cette grande messe écologique, c’est un vulgaire bout de papier: un accord non-contraignant qui dit en substance Ouh là là il fait déjà chaud, alors essayons de se dire qu’avec 2 degrés ça sera tout juste tenable, et prenons cinq ans pour faire valider ça par nos parlements nationaux, on se revoit en 2020 pour en recauser tranquille entre potes, ça vous va? Et surtout, est-ce qu’il reste du caviar au buffet?
Vous, les humains, vous êtes ridicules.
Je sais. Le pire, c’est que tous les gouvernements, et la plupart des partis écologistes croient encore au développement durable.
(Lipton bâille) Ben ça? Je croyais que c’était plutôt du côté des gentils, le développement durable?
Non! Le fondement du développement durable, c’est une foi inébranlable dans la croissance et le progrès. Tout plein d’oxymores à se mettre sous la dent: croissance soutenable, écologie libérale, énergies vertes, moteurs propres. On nous fait miroiter une voiture électrique à « zéro émission », en cachant sous le tapis tous les composants minéraux et toxiques qui sont entrés dans sa fabrication. Il y a une hypocrisie énorme là autour: je peux m’acheter un vol easyJet et "compenser mon empreinte carbone en finançant des fours solaires à Madagascar". Ton train de vie suisse (lequel nécessite 2,5 planètes) te permet de délocaliser ton engagement, pour aller aider les malgaches (dont l’impact est trois fois moindre) à cuire leur dîner. Les grandes entreprises se montrent sous leurs atours les plus « verts » et obtiennent des labels d’engagement pour la planète. C’est ce qu’on appelle du greenwashing, du lavage de cerveau avec du pipi de robot.
(il bâille) BORING!
En clair: les ressources du monde sont finies. On ne peut donc pas espérer une croissance infinie. Donc, autant décroître avant l’effondrement.
Ok. Donc il faut s’éclairer à la bougie, c’est ça? Je vais m’y brûler les moustaches. Et puis ça pue, tes trucs!
Ça, c’est l’image qu’on donne de la décroissance: un retour à l’Âge de pierre, éclairé à la lampe à huile, dans un monde ultra-policé avec contrôle des naissances. L’autre argument récurrent, c’est d’expliquer que la décroissance est inapplicable pour le Tiers-Monde, auquel ce serait égoïste de refuser le progrès dont l’Occident a pu profiter pendant deux siècles. Comme si c’était égoïste de prévenir quelqu’un qu’il va faire une erreur.
Bien sûr, certains vont pointer du doigt mes contradictions: je prends encore l’avion, j’ai une voiture et un scooter, un appartement mal isolé, un iMac, un iPad, un iPhone… Mais t’es qui, toi, pour nous donner des leçons?
Mon pauvre, tu m’as l’air bien remonté. (Il se frotte l’oreille)
Et c’est tout le système productiviste qui agonise dans un râle bruyant, soutenu par tous les consommateurs. Et tout le monde vit dans le déni: les gens savent pertinemment que c’est mal de faire un Genève-Londres pour 12€, mais on continue en se donnant bonne conscience avec des « petits gestes pour la planète ». Si j’éteins mon wifi la nuit, ça compense mon week-end en avion, non? Tout le monde est mal à l’aise par rapport à ça, alors on adule Bertrand Picard, nouveau prophète de la technologie verte et chercheur de solutions. La décroissance explique que c’est perdu d’avance: il ne faut pas chercher l’écologie dans un système productiviste.
Mais la science va bien trouver une solution pour tout ça, non?
C’est un mythe! On nous fait croire que la technologie nous sauvera, mais c’est ignorer le paradoxe de Jevons (plus ton système énergétique est efficient, plus les gens vont consommer avec), l'effet rebond de consommation (plus une ressource est rendue disponible, plus les gens vont l’utiliser) et surtout, surtout, la deuxième loi de la thermodynamique.
Ok, et moi je vais aller me recoucher. Juste avant… Les pistes d’actions concrètes, parce que tes idées, là, c’est un peu flou du genou.
Vivre la décroissance, c’est refuser de consommer des produits superflus (aujourd’hui, sur QoQa: un mini-réfrigérateur avec allume-cigare. Oui Madame), c’est retrouver des potes pour des jeux de société, c’est pratiquer la « sobriété heureuse » ou la « simplicité volontaire » comme disent les Québecois. Concrètement, c’est manger local, bio et peu emballé, c’est faire longuement l’amour, c’est lire des bouquins en papier et jouir du temps qui passe. C’est profiter de la vie, en somme.
Voilà un programme qui me plaît! (Il se lèche la patte avant et s’endort)
Présentation de SINGULIERS PLURIEL - 24 HEURES du vendredi 22 décembre - Natacha Rossel
VERTIGO, RTS - LA 1ère - Jean-Luc Borgeat présente l'événement SINGULIERS PLURIELS - 3 janvier 2018
Présentation de SINGULIERS PLURIEL - Le Temps du jeudi 4 janvier - Marie-Pierre Genecand
Claire Deutsch. Verre vide, tête pleine - LE COURRIER du vendredi 5 janvier - Lucas Vuilleumier
dimanche 21 janvier 2018 à 15h: __Rencontre autour du monologue et du seul en scène, __animée par Rita Freda, dramaturge et chercheuse en arts de la scène, en compagnie de Claire Deutsch, Marjolaine Minot et Joëlle Fretz
Texte et jeu: Yvan Richardet
Mise en scène: Thierry Romanens
Créé en février 2016 à L’ Échandole, Yverdon-les-Bains
Ci-dessous PDF du programme complet !
Catégorie | Prix |
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Tarif normal | 25.00 CHF |
Tarif réduit (étudiant, AVS, AI, membre) | 15.00 CHF |